Contextes, axes et objectifs

 

L’étude diachronique de la frontière, intégrant et confrontant les périodes antique et médiévale, vise à rassembler un ensemble de données éparses du fait de la césure liée au découpage chronologique traditionnel du champ historique et résultant de compétences très diverses, entre les sources antiques gréco-romaines, et les sources arabes. Le dialogue entre les deux périodes est d’autant plus nécessaire aujourd’hui en termes d’apport scientifique qu’il y a une disparité entre les sources, textuelles et archéologiques, disponibles pour chacune de ces périodes, selon la région du Maghreb considérée. Le projet « Désert » invite alors à jeter un nouvel éclairage sur l’héritage de la période romaine, les mutations et les évolutions introduites à l’époque médiévale, afin de mieux comprendre les logiques propres à chacune de ces période dans le cadre d’un espace saharien en construction. Cette réflexion s’articule autour de trois thématiques de recherches :

1. La frontière méridionale du Maghreb et ses formes, essai de définitions

Les questions liées à la nature des frontières en bordure saharienne du Maghreb sont nombreuses. Comment ont-elles pris forme à l’époque romaine ? Quelle place accorder régionalement à l’aspect défensif et militaire longtemps privilégié dans l’historiographie contemporaine pour comprendre la construction de la frontière romaine en Afrique ? Les études locales, replaçant la construction de la frontière au cœur des relations entre Rome et les communautés indigènes dont il s’agit de mieux saisir les spécificités, doivent permettre de renouveler les perspectives d’approche et de mieux comprendre les aspects polymorphes de la frontière. Comment l’arrivée de l’Islam et la multiplication des pouvoirs en place au Maghreb ont-elles modifié la perception des confins désertiques du Maghreb et de la frontière, et conduit à la déplacer, dans un mouvement sans précédent, vers le sud, par des processus originaux et complexes impliquant des motivations politiques, économiques et religieuses entre lesquelles il n’est pas toujours facile de faire la part ? En quoi les pouvoirs en place ont-ils investi de nouvelles formes de représentation de la frontière, dans leur quête de légitimité ?

2. Vivre à la frontière : les sociétés du prédésert d’Afrique du Nord et du Sahara

Les présupposés sur les possibilités d’exploitation des régions présahariennes ont conduit à une certaine conception de l’occupation humaine et de la notion de tribu dans la région du prédésert d’Afrique du Nord et du Sahara, accordant en particulier une place centrale, investie d’enjeux spécifiques au cours des périodes antique et médiévale, au nomadisme. La pratique présumée de celui-ci, souvent interprétée comme un risque potentiel pour les États en place, aurait largement induit la façon dont fut construite et était vécue la frontière. La mise en œuvre de solutions locales dans le domaine de l’irrigation, manifeste dès l’Antiquité, et l’organisation du peuplement sur la bordure septentrionale du Sahara telle qu’elle ressort à la lumière des données matérielles mises en regard des sources écrites, tendent toutefois à montrer la variété des opportunités en termes d’implantation, d’essor et de structuration des communautés locales dans cette région. Les résultats des missions archéologiques les plus récentes et la relecture des corpus documentaires invitent aussi à reconsidérer l’importance et la complexité de l’occupation humaine des grands massifs montagneux du Sud marocain aux oasis sahariennes, dont la mise en valeur, notamment économique, fut soutenue par les échanges commerciaux et culturels.

3. Circulation et échanges au sud du Maghreb

Les confins méridionaux du Maghreb furent impliqués dans des échanges qui ont connu un essor inédit au Moyen Âge. L’une des questions majeures qu’il convient d’examiner concerne l’héritage fourni par la période antique, en particulier en terme de fréquentation des itinéraires. L’objectif est de fournir un nouveau bilan des connaissances sur les échanges transsahariens, éclairé par les découvertes archéologiques et les études historiques les plus récentes qui fournissent notamment de nouveaux éléments de réflexion sur les possibilités d’une circulation transaharienne au cours de la période antique.