L’économie rurale dans le nord d’al-Andalus

Fouilles archéologiques des sites d’Alquézar et Las Sillas (Aragon, Espagne)

Le projet L’économie rurale dans le nord d'al-Andalus (2025-2028) propose une approche novatrice pour l’étude des systèmes économiques ruraux dans le nord d'al-Andalus, en associant de nouvelles campagnes de fouilles sur le site de Las Sillas (Marcén), une série de sondages archéologiques à Alquézar, et des analyses de laboratoire approfondies, notamment en bioarchéologie.

Inscrit dans la continuité du programme « L’eau et la ville » (2020-2024) et des fouilles de l’établissement rural de Las Sillas (Marcén, Huesca), inscrites parmi les activités de l’EHEHI depuis 1991, ce nouveau projet vise à revitaliser l'initiative archéologique régionale en renforçant à la fois les dimensions archéologique et bioarchéologique des investigations antérieures. La zone d’étude (province de Huesca), bien qu'ayant bénéficié d'un certain dynamisme archéologique au cours des dernières décennies, a rarement fait l'objet d'un programme de recherche de grande envergure visant à documenter, selon une approche interdisciplinaire, à la fois l’économie rurale (production et consommation) et les paysages exploités par les populations médiévales.

Le projet portera principalement sur les Xe–XIe siècles, tout en intégrant possiblement la période de l’émirat omeyyade d’al-Andalus au cours de laquelle la forteresse d’Alquézar fut fondée par les Banū Ḫalaf, afin d’éclairer les dynamiques du monde rural d'al-Andalus jusqu'aux conquêtes aragonaises. L’étude s'appuiera sur deux cas d’étude : un site fortifié (ḥiṣn), Alquézar, et un établissement plus proche de la notion de « village », Las Sillas (Marcén). L'intégration de ces deux sites au sein d'un même projet repose à la fois sur la concomitance de leurs périodes d'occupation — permettant la comparaison des pratiques et des produits consommés entre deux sites contemporains de statuts différents — et sur le fait que Las Sillas a livré des témoins archéobotaniques prouvant l’existence de réseaux d’échanges entre la plaine et les zones de piémont, posant la question de la nature et de l’ampleur de ces réseaux.

Dans le cadre du projet, les campagnes de fouilles seront dirigées par Sebastien Gasc et Philippe Sénac, responsables des travaux antérieurs sur les deux sites, en collaboration avec Julián Ortega Ortega, spécialiste reconnu des implantations médiévales en Aragon et Jérôme Ros, spécialiste de l’histoire agraire d’al-Andalus. L'année 2025 sera consacrée à une prospection ciblée a Alquézar et à la reprise des fouilles à Las Sillas. Sur le premier de ces deux sites, les opérations viseront à préciser la fonction des structures mises au jour entre 2021 et 2024, tout en permettant le prélèvement d'échantillons bioarchéologiques pour documenter l'exploitation des ressources naturelles, notamment le bois, dans la Sierra de Guara.

À Las Sillas, les fouilles approfondiront l'étude de l'organisation spatiale, en particulier la relation entre le Secteur II (zone d’habitat et de stockage) et le Secteur I (mosquée et cour). Une attention spécifique sera portée aux nombreux silos et aménagements hydrauliques. Entre 2026 et 2028, les opérations se poursuivront, d’abord par la finalisation des sondages à Alquézar pour analyser l'articulation des structures centrales, puis par l’ouverture de nouvelles zones à Las Sillas pour mieux comprendre l'interaction entre habitat, espaces de stockage des céréales et systèmes hydrauliques.

Dans le cadre du volet paléoenvironnemental/bioarchéologique du projet, plusieurs objectifs seront poursuivis :

  • Identifier les productions agricoles ainsi que les ressources végétales et animales consommées sur les deux sites ;
  • Reconstituer les chaînes opératoires et les pratiques techniques liées à la production, à la transformation, au stockage et à l’usage des ressources ;
  • Produire une reconstitution détaillée des paysages boisés et agricoles exploités.

La mise en œuvre d'un tel projet nécessitera une approche résolument interdisciplinaire (archéobotanique, archéozoologie, archéoentomologie, isotopie). Celle-ci prendra forme grâce au partenariat de deux projets consacrés à l’agriculture médiévale en Méditerranée occidentale : le programme synergie ERC MEDGREENREV, « Green Revolution » in the Medieval Western Mediterranean, 6th-16th centuries (http://medgreenrev.com/en) et le projet ANR ISEMA, Framing the Impact of Socio-Economical changes on medieval Mediterranean Agriculture (https://anr.fr/Projet-ANR-23-CE27-0003).