Une gestion négociée entre État et société civile (axe 2)

Axes

Responsable : Xavier Huetz de Lemps
Professeur à l’université de Nice

L'interface entre l'État et la société organisée

L’État, quel que soit son niveau d’intervention et sa sphère de compétence, doit négocier, interagir, voire entrer en conflit avec certaines communautés constituées qui prétendent cogérer le bien public au nom de la tradition, de leur représentativité et de la défense des intérêts de segments entiers de la société. Il s'agit donc de mieux comprendre le caractère conflictuel des négociations entre un État en construction et une « société civile », elle-même en gestation, qui peine à jouer un rôle d’interface. La question du clergé est de celles qui permettent de restituer aux thématiques impériales leur complexité : toutes les échelles de pouvoir et d’analyse, toutes les forces vives, politiques et sociales, s’y entremêlent. Aux Philippines comme aux Antilles, l’ombre portée de ces grands débats s’étend bien au-delà de 1898 et de la période de recolonisation étatsunienne.

L'exemple du clergé

L’enquête portera sur certains dossiers potentiellement explosifs et qui affectent l’ensemble des territoires impériaux. Les querelles engendrées par le fonctionnement du patronage royal méritent d’être revisitées pour la fin de période espagnole : la sécularisation des paroisses tenues par les réguliers aux Philippines, l’entretien des édifices du culte à Cuba ou, dans tout l’Empire, les querelles de préséance entre autorités civiles et religieuses sont de très anciennes pommes de discorde, mais elles prennent, dans le contexte de la fin du siècle, une connotation différente. Les débats métropolitains sur la place du clergé dans le système éducatif ont aussi des échos aux colonies. L’introduction, timide, tardive et partielle, du droit civil métropolitain outre-mer est interprétée par une partie du clergé comme une tentative intolérable de l’État et de l’administration de séculariser les sociétés coloniales et, partant, de réduire son influence dans la société. La question de la liberté de croyance se pose de façon particulièrement aiguë dans les territoires ultramarins du fait de la présence, aux Antilles comme aux Philippines, de minorités numériquement faibles mais économiquement fortes, protestants, surtout anglo-saxons, et chinois : l’ouverture de cimetières pour les non - catholiques est, à Manille comme à La Havane, est un des points de friction entre administration et clergé. Enfin, une partie au moins du clergé s’oppose à des réformes au contenu a priori strictement politico-administratif, comme celles proposées par Maura en 1893.

L'enquête propose une analyse menée à l’échelle impériale afin de dessiner les réseaux d’influence du clergé dans les instances locales et centrales de pouvoir, pour analyser les appuis dont il a pu disposer dans et hors de la sphère gouvernementale, pour étudier aussi les fronts communs plus ou moins sincères et durables de tous ceux, péninsulaires et colonisés, qui sont fondamentalement hostiles au clergé, pour, enfin, comprendre les conceptions de l’État que défendent dans chaque territoire les clergés. Le pluriel s’impose en effet : à Cuba comme aux Philippines, une partie du clergé séculier prend fait et cause pour ceux qui réclament une répartition des pouvoirs moins déséquilibrée entre la métropole et les colonies, entre le clergé local déprécié et ravalé au rang de simple coadjuteur et la hiérarchie pour l’essentiel péninsulaire et favorable au maintien d’un lien strict de domination. Les interventions du clergé ne peuvent être interprétées comme de simples manifestations corporatistes. Elles résultent et recoupent aussi des pressions de groupes sociaux, politiques et ethniques.

Membres de l´Axe 2:

Xavier Huetz de Lemps
Filomeno V. Aguilar
Gonzalo Álvarez Chillida
Dolores Elizalde
Frédéric Gracia
Miguel Rodriguez

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01/03/2022 - Espagnol