Entre conflits et coexistence. Les frontières interconfessionnelles à la fin du Moyen Âge

15OCTOBRE - 17OCTOBRE 2009
Budapest
Colloque

Coord. : DANIEL BALOUP, JÓZSEF LASZLOVSZKY
Org. : Central European University, Casa de Velázquez, Agence nationale de la recherche, UMR 5136 (Toulouse)

Résumés des communications

Stéphane BOISSELLIER (Université de Poitiers)
La frontière "portugaise" au Maroc dans la Chronique du Comte D. Pedro de Meneses

En 1458-1464, le chroniqueur officiel de la Cour portugaise, Gomes Eanes de Zurara, rédige une chronique exaltant l'œuvre du comte D. Pedro de Meneses, premier capitaine de Ceuta ; cette œuvre offre une entrée originale sur les relations entre le monde chrétien (dont le Portugal se considère alors clairement comme fer de lance) et le monde musulman, à la fois parce que le chroniqueur réalise une sorte de bricolage génial, associant idéal chevaleresque médiéval, foi religieuse orthodoxe (répercutant platement la position pontificale) et culture classique, et parce que les rapports réels au Maghreb revêtent une forme coloniale, nouvelle dans l'expansion portugaise, d'une frontière entre des enclaves littorales fortifiées et des indigènes majoritairement hostiles, regroupés derrière un pouvoir légitime ; l'"image de l'autre" en ressort complexe et contrastée, entre intransigeance religieuse et relations ordinaires (notamment les échanges commerciaux).

Yann DEJUGNAT (Université de Poitiers)
Modalités et enjeux de la perception de la frontière islamo-chrétienne en Occident musulman à partir d'un récit de voyage (rihla) d'Ibn al-Khatîb (1347)

En 1347, le souverain nasride Yûsuf Ier entreprend un voyage sur la frontière orientale de son royaume entre Grenade et Almeria. Cet itinéraire, remarquablement mis en récit par le célèbre polygraphe et vizir Ibn al-Khatîb, a été traditionnellement interprété comme une simple tournée d'inspection des forteresses érigées pour défendre le royaume nasride contre les incursions chrétiennes. Pourtant, la mise en perspective de cette source avec les autres récits de voyage andalous d'une part, et avec le discours sur le thème de la défense des frontières de l'islam élaboré dès le IXe siècle dans l'Orient abbasside d'autre part, permet d'entrevoir d'autres dimensions à ce voyage. En effet, à la lumière des travaux récents de la regrettée Maria-Jesus Rubiera Mata, ce voyage apparaît comme une mise en scène destinée à appuyer les ambitions des Nasrides au titre califal.

Ana ECHEVARRÍA (UNED, Madrid)
Across the Borders in Fifteenth-Century Castile: Mudejar Networks with Granada

Despite repeated laws issued by the Papacy forbidding contacts among Christians and Muslims across common borders, all the sceneries of crusading activity were privileged places for these exchanges. Muslim mediation for captives reached as far North as Avila during the War of Granada (1480-1492). The odyssey of Muslim almotacenes related to important Mudejar families in the city helps to understand networks established between Muslim communities living under Christian rule in the centre of Castile, and their fellow-Muslim in Granada. These contacts seem to have been regular. They defied Christian local authorities –town councils (concejos), Military Orders and their tenants- in a direct, straight dialogue with the Crown. But their protection was to be paid for, and at the same time, Mudejars had to comply with new demands from the same King and Queen they envisaged as their protectors.

Philippe JOSSERAND (Université de Nantes)
Omne que meior lo pudiere mantener e defender : the Master and the Islamic Frontier in mid-fourteenth century Castile

In spite of its recent renewal, the research on the Hispanic military orders is not used to considering the costs that these institutions had incured in the defence of the Castilian southern border. In this way, most of the scholars attribute the limits that we may observe in the armed involvement of the brethren from the end of the thirteenth century to an alleged refusal to fight. This position, however, is doubtful as it emerges from the example of the fortress of Lucena documented by different archives from Madrid and Cordoba. This case, without any documentary equivalent in the mid-fourteenth century Castile, reveals that the order of Santiago, which had received the place in 1330 from the bishop of Cordoba because of an imminent Muslim attack, remained then a major actor of the Frontier for whose defence the brethren did not hesitate to raise very important funds whatever the successes of such entreprises.

Benoît JOUDIOU (Université de Toulouse)
La frontière des Pays roumains avec l'Empire ottoman, frontière de la Chrétienté ? (XVe-XVIIe siècle)

La communication a pour but de revenir sur la signification de la « frontière » des Pays roumains avec l'Empire ottoman. La question est paradoxale, puisque ces provinces sont devenues tributaires et en quelque sorte intégrées dans l'Empire. Mais elles ne cessent de faire apparaître leur différence et de revendiquer le statut de frontière de la Chrétienté puis, à partir du XVIe siècle, celui d'une interface particulière entre chrétiens et musulmans.

José Enrique LOPEZ DE COCA (Universidad de Málaga)
Grenade et la Couronne de Castille : la politique des trêves (XIIIe-XVe siècle)

Des raisons religieuses et politiques ne permettant pas la signature de traités de paix entre l’émirat nasride de Grenade et la Castille, les trêves, ou suspensions temporaires des hostilités, étaient la seule issue possible du point de vue juridique. Certaines trêves prévoyaient l’obligation pour Grenade d’entrer dans la vassalité de la Couronne de Castille ; d’autres n’envisageaient que le paiement d’un tribut. Il eut aussi des trêves négociées et signées entre égaux, mais il s’agit là d’une circonstance qui ne s’est que rarement produite. Mon propos sera d’étudier la nature de ces accords diplomatiques. Je prendrai en compte, parmi d’autres aspects, la durée des trêves, le caractère d’engagement personnel qu’elles revêtaient et le marchandage politique qui accompagnait les négociations : les circonstances n’étaient pas les mêmes si c’était le roi de Castille ou l’émir grenadin qui demandait la rénovation de la trêve.

Antonio MALPICA (Universidad de Granada)
La frontière nazari-castillane : espaces matériels d’affrontement et de contact

Du XIIIe au XVe siècle, la frontière entre la Castille et l’émirat nasride de Grenade est organisée de telle façon qu’il est possible de repérer des différences mais aussi des similitudes entre ses deux versants. Les châteaux sont, en fait, des agglomérations fortifiées qui n’atteignent jamais le statut de ville. Ils polarisent un territoire parsemé de bourgs ruraux, qui s’intègre dans un district plus vaste dépendant de l’une des grandes cités de la région. L’activité économique est dominée par l’agriculture irriguée, avec de nombreux échanges commerciaux, d’autant plus denses que les Castillans utilisent les vastes étendus de monts et de friches de l’émirat pour faire paître leur bétail. Cette intervention mettra en lumière l’organisation territoriale de chacun des secteurs de la frontière.

Manuel ROJAS (Universidad de Extremadura)
Nobility, warrior mentality and sacralized violence on the frontier of Granada

Thanks to an excellent corpus of sources, both original charters and chronicles, the main target of this paper is to argue that there was an evident relationship on the frontier of Granada between the warrior mentality own of the Castilian nobility and a sacralization of violence against the Muslims. These attitudes were rooted in a long standing tradition of struggle between Christianity and Islam in Iberian lands. The paper will not deal with concepts such as Crusade, Holy War or Just War. Not even issues such as the defence of the Christian faith or ideas os eschatological and messianic character will be touched upon here. The focus will be on charismatic leadership. That is to say, how some members of the Castilian warrior aristocracy –it is easy call “warlords”-, by means of personal bravery, military vocation and the practice of warfare, could achieve a high level of direct leadership over their pairs, as well as great prestige at his immediate social level. This fact does not of course rule out economic profits such as lordships, offices and posts that had some relation with the frontier, money consignments from the Crown for the sustaining of fortresses and fighter men, and a variety of other ways to increase the economic standing of these warlords. This behaviour, this type of conduct acted as an ideal model not only for contemporary writers and chroniclers, but also for the social fabric as a whole. Its true significance lay on the purpose of defeating the Muslims enemies, which were the adversaries par excellence for many different reasons but mainly for their belief in a mistaken religion. Due this, in its deepest sense, it is possible to talk of a sacralized violence, which found expression not only in external signs, such as religious practices and rites before the combat, collective invocations of divine aid, battle orations, war-cries, the use of Christian symbols and relics by warriors for example, but also in their most intimate and personal aspects. For medieval warriors, God was essentially the God of Battles, the Lord of Hosts of the Old Testament, and His assistance was a vital issue to gain personal security and to achieve the sweet taste of victory in war, especially when an open-field combat was fought.

 

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01/03/2022 - Français