Un peu de fiction : romans, films, utopies...

1) Boccace, Le Décaméron, 1353, traduction par Francisque Reynard en 1884.

[Recueil de cent nouvelles écrites suite à la Peste noire qui a dévasté Florence en 1348. Les personnages, des aristocrates, se sont éloignés de la ville pour éviter la contamination. Pour passer le temps durant leurs dix jours de confinement, ils décident quotidiennement à tour de rôle de raconter une histoire sur le thème choisi par le roi ou la reine de la journée. Texte entier disponible ici]

2) Albert Camus, La Peste

[Au-delà de la métaphore, un excellent roman qui aide à comprendre le confinement et l'impuissance face aux épidémies]

3) Emmanuel Dockès, Voyage en misarchie : essai pour tout reconstruire, Editions du Détour, 2017.

[Entre l'essai et la fiction, Emmanuel Dockès déploie, à travers le récit du narrateur Sébastien Débourg, perdu sur une terre inconnue organisée en une démocratie radicale, politique, économique et sociale, une utopie. Il suggère des propositions pour repenser nos sociétés dans leurs divers aspects]

4) David Foenkinos, Charlotte, Paris, Gallimard, 2015.

[Biographie immersive retraçant le parcours tragique de l'artiste juive allemande Charlotte Salomon, persécutée suite à la prise de pouvoir des nazis, exilée et internée en France durant la Seconde Guerre mondiale et finalement exterminée à Auschwitz à l'âge de 26 ans, alors qu'elle était enceinte. Ce récit en vers invite à se fondre dans la peau d'une jeune femme traquée, à vivre avec elle ses épreuves, ses amours et à partager ses doutes existentiels. Il est inspiré de l’œuvre autobiographique de Charlotte Salomon, Life? Or Theatre? (disponible ici). Podcast sur la vie de cette artiste : Une vie, une œuvre - Charlotte Salomon / France Culture]

5) Philip Gröning, Le Grand silence, 2005. Documentaire.

[Une rare plongée dans l'expérience des moines de la grande chartreuse. Pas de commentaire, pas de musique, pas de parole... et un succès inattendu à sa sortie au cinéma. Ce n'est pas vraiment de la fiction, comme la référence ci-dessous. Sur le même thème voir aussi un webdocumentaire Le cloître et la prison- Les espaces de l'enfermement. Une histoire comparée des espaces d'enfermement, à partir du cas de l'abbaye de Clairvaux, dernière abbaye-prison française].

6) La Peste, 2 saisons (2018 et 2019), série créée par Alberto Rodríguez et Rafael Cobos, produite par Movistar+

[La Peste est une série historique : l’action se déroule dans la Séville du Siècle d’Or en temps d’épidémie de peste. L’intérêt de la série est d’abord de nous épargner l’histoire des têtes couronnées pour montrer autant la vie de l’élite sévillane (la noblesse et la marchandise) que celle du peuple : le héros – Mateo, un vétéran et imprimeur inquiété par l’Inquisition – navigue en effet avec aisance du monde de la prostitution ou de la traite négrière à celui de l’imprimerie et du textile, des tavernes aux palais seigneuriaux ; il est accompagné d’un picaro, Valério, tout droit sorti du Lazarillo de Tormes. Sur la trame d’une haletante intrigue policière (des meurtres perpétrés par un adepte de la Réforme protestante), plusieurs thèmes historiques sont bien traités, notamment la politique sanitaire mise en place par les Veinticuatros (les conseillers municipaux de Séville) : les intérêts de santé publique se confrontent aux spéculations sur le grain, au maintien des intérêts commerciaux de la Carrera de Indias (la flotte qui relie Séville à l’Amérique). Aussi le médecin et savant Nicolas Monardes est-il un personnage historique bien présent dans la série, il est celui qui incorpore la flore américaine aux sciences naturelles européennes avec son Historia medicina de las cosas que se traen de nuestras Indias Occidentales en 1565-1569 ; dans la série, on le voit notamment cultiver et utiliser des ananas… L’autre intérêt de la série est d’aborder – sans trop de lourdeur – des questions de notre monde contemporain comme le féminisme, l’exploitation, l’intolérance. Pour une belle critique de la série, lire l’article du professeur de littérature et culture hispaniques, Miguel Martínez, "El pasado inacabado. Sobre ‘La Peste’”, 23 janvier 2018]

7) George Markstein et Patrick McGoohan, Le Prisonnier, série en 1 saison (17 épisodes).

[Disponible sur archive.org avec les sous-titres en français ici. S'impose en temps de confinement : un individu se retrouve coincé contre son gré dans une sorte de village automatisé dont il cherche à sortir à tout prix]

8)Lucrecia Martel, Zama, film argentin, 2017.

[Zama est un film historique basé sur le roman d’Antonio di Benedetto, un classique de la littérature argentine. L’histoire est celle d’un confinement à la manière du Désert des Tartares de D. Buzzati, mais dans le contexte et le décor d’un petit port perdu de la vice-royauté du Rio de la Plata au XVIIIe siècle. Le héros, le juge Zama, n’attend pas un improbable ennemi, mais une promotion à un meilleur poste à Buenos Aires. Le film met en scène tous les acteurs de la société coloniale et leurs relations entremêlées : les esclaves noirs, les indigènes, les commerçants-trafiquants, le gouverneur, sa femme et les élites hispaniques, les bandits luso-brésiliens de la frontière. Les thèmes, chers aux historiens, sont abordés : la corruption, la grâce royale (le pouvoir de nomination du lointain monarque), la contrebande, l’exploitation coloniale, le métissage et l’agency des acteurs subalternes]

9) Carole Martinez, Cœur cousu, 2007.

[Le roman se déroule au XIXe siècle dans le sud de l'Espagne. Il met en scène Frasquita Carrasco, qui appartient à une famille dans laquelle les femmes se transmettent depuis des générations leurs dons et savoirs en matière de broderies et de couture. Abandonnée par son mari qui l'a jouée lors d'un combat de coqs, elle fuit avec ses filles dans le désert andalou, pour une longue errance]

10) José Saramago, L'aveuglement, Paris, Seuil 1997 (original : Ensaio sobre a cegueira, 1995)

[Au cours d'une épidémie de cécité qui ravage la ville du roman, on assiste à une effrayante suspension des normes sociales]

11) Virgile, Les Géorgiques, chant III, vers 474-566

[Disponible sur AgoraClass - UCLouvain : l'épilogue de ce chant, consacré à l'élevage des troupeaux, traite de l'épizootie ayant touché la province du Norique (événement historique ou transposition littéraire de la peste d'Athènes ?). Le poète y peint un tableau d'apocalypse, où toute la faune est touchée par un phénomène que les concepts médicaux ne parviennent pas à saisir]