Épidémies, santé, histoire

1) Bartolomé Bennassar, Recherches sur les grandes épidémies dans le Nord de l'Espagne à la fin du XVIe siècle Problèmes de documentation et de méthode, Paris, Éditions de l'EHESS, 2e éd., 2001

[La thèse complémentaire de B. Bennassar, après son Valladolid au Siècle d'Or (disponible en ligne sur OpenEdition / Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales), s'intéresse à la gestion par les autorités municipales et royales de l'épidémie de peste de 1596-1602 qui sévit en Espagne. Pour l'historien, la peste agit comme un révélateur de l'organisation des sociétés : les inégalités, les solidarités, le pouvoir coercitif des autorités (en imposant l'isolement par exemple), émergence de mesures d'hygiène, etc.].

2) Pierre Bonnassie, « Consommation d’aliments immondes et cannibalisme de survie dans l’Occident du haut Moyen Âge », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 44-5, 1989, pp. 1035‑1056. Disponible sur persee.fr.

[Dans les périodes de grande famine, régulières dans les sociétés anciennes, des cas de consommations d'aliments interdits et de cannibalisme sont attestés. Une plongée crue – via l'histoire des représentations – dans les réalités économiques et sociales du haut Moyen Âge, même si, "au plus profond de la détresse, germe l'espoir", conclut le grand historien toulousain].

3) Olivier de Cazanove, « Les offrandes anatomiques dans les lieux de culte du monde romain : une histoire longue, de l’Italie à la Gaule, de la République à l’Empire », Bulletin de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de Semur-en-Auxois et des fouilles d'Alésia, CXXIV, 2016, pp. 211-224 (disponible en ligne sur academia.edu)

[Dans cet article, l'auteur s'intéresse à une catégorie d'offrande très fréquemment rencontrée dans les lieux de culte d'Italie, de Gaule, et plus généralement dans les provinces romaines occidentales, à savoir les ex-voto anatomiques. Représentant la ou les parties du corps lésées par la maladie, ces offrandes étaient le plus souvent faites pour être exposées dans les lieux de culte, et constituent la manifestation tangible de la relation contractuelle qui lie l'individu à la divinité : il souscrit un vœu pour sa guérison, et s'acquitte de ce vœu par la suite, sous la forme privilégiée de ces offrandes anatomiques. Cette catégorie d'objets nous ouvre ainsi une fenêtre privilégiée sur le rapport des individus à leur propre corps malade, ainsi que sur les modalités de la relation au divin et de son intervention dans la guérison].

4) Emilio De Ípola, « La bemba : vie et mort des rumeurs dans une prison politique (Argentine, 1976-1983) », Diogène, 2006/1, n° 213, pp. 174-201. Disponible sur cairn.info - Revue Diogène et en version originale sur pdfhumanidades.com https://www.cairn.info/revue-diogene-2006-1-page-174.htm)

[L'épidémie sanitaire donne aussi lieu à une pandémie de fausses nouvelles : l'occasion d'une réflexion autour des rumeurs, de la politique et de l'enfermement]

5) Frédéric Keck, Les sentinelles des pandémies, Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine.Préface de Vinciane Despret. 240 p. Disponible sur zones-sensibles.org 

[Ce livre, dont la sortie était prévue pour le mois avril 2020, repose sur une recherche ethnographique conduite à Hong Kong, Taïwan et Singapour, trois points de passage pour la diaspora chinoise. Auteur de Un monde grippé (2010), le philosophe et anthropologue F. Keck montre ici comment les « chasseurs de virus » et les responsables de la santé publique s’allient avec les vétérinaires et les observateurs d’oiseaux pour suivre les mutations des virus de grippe entre les oiseaux sauvages, les volailles domestiques et les humains. Par les méthodes de l’anthropologie sociale, il décrit la manière dont les techniques de préparation en vue d’une pandémie transforment les relations entre humains et non-humains dans le temps long de l’Anthropocène].

6) Jacques Le Goff et Jean-Nöel Biraben, « La peste dans de Haut Moyen Âge », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 24-6, 1969, pp. 1484‑1510. Disponible sur persee.fr 

[L'autre grande peste médiévale, moins connue faute de sources écrites, mais dont les conséquences n'ont pas été moindres. Un article fondateur pour son appréhension, issu d'une rencontre entre un médecin et un historien. L'occasion aussi de relire le texte d'un grand médiéviste.]

7) Serge Morand, La prochaine peste. Une histoire globale des maladies infectieuses, Fayard, 2016.

[S. Morand est chercheur au CNRS et au CIRAD, et travaille au Centre d’infectiologie Christophe Mérieux du Laos. Écologue évolutionniste et parasitologue de terrain, il conduit de nombreuses missions sur les relations entre biodiversité et maladies transmissibles. S’appuyant sur les dernières avancées scientifiques, son ouvrage propose un panorama inédit des relations évolutives entre les hommes et les primates non humains, mais aussi des relations écologiques que nous entretenons avec les autres animaux, par le biais de la chasse et de la domestication. Les émergences ou réémergences actuelles de maladies infectieuses comme Ebola, Zika ou les grippes aviaires et porcines doivent être appréhendées à la fois dans le cadre historique de cette longue co-évolution et dans un cadre géographique global lié à la mondialisation des échanges. L’urgence est d’en tirer des leçons pour la gestion des crises sanitaires actuelles et futures].

8) Richard Phare Duncan-Jones, "The impact of the Antonine Plague", Journal of Roman Archaeology, Volume 9, 1996, p. 108-136 (disponible en ligne avec un accès institutionnel sur cambridge.org)

[Un article "phare" dans l'étude du phénomène de la peste dite "antonine" ou "galénique" – on y reconnaît aujourd'hui un cas de variole –, qui dévaste l'empire romain dans la deuxième moitié du IIe siècle ap. J.-C. En s'éloignant de l'historiographie traditionnelle sur cet événement, R. Duncan-Jones est le premier à proposer une approche statistique de l'épidémie, en interrogeant les perturbations dans les séries des sources dont on dispose pour cette période, et en tentant de modéliser l'impact démographique, économique et social de cette épidémie. Si ses conclusions hautes (un taux de mortalité entre 20 à 30 %, qui entraîne de terribles disruptions de tous les tissus économiques et, à terme, la "crise du IIIe siècle" et le déclin de l'empire) sont contestées, son approche fait école pour la compréhension historique des épidémies].

9) Thucydide, Histoire de la Guerre du Péloponnèse, livre II, chapitres 48-54 (Disponible sur Hodoi Elektronikai - UCLouvain, ou sur remacle.org pour une lecture plus simple)

[Un texte bien connu dont il faut néanmoins souligner une intéressante dualité : Thucydide s'y pose à la fois en observateur et historien de la "peste" – typhus, dengue ou variole ? – ayant touché Athènes dans les premières années de la guerre, de 430 à 426, mais également comme un des malades et en propose une observation clinique sur la base des symptômes constatés chez lui. Il s'agit du premier texte tentant de comprendre les modes de contagion d'une épidémie et la construction d'une immunité collective. La question de l'accès problématique des multitudes infectées aux infrastructures publiques, notamment aux fontaines et aux lieux de culte de la cité, est notamment traitée au chapitre 52].