Contexte, axes et objectifs

La proclamation il y a quelques mois du califat par un groupe dénommé « État islamique » a plus que jamais attiré l’attention tant médiatique qu’académique sur une des institutions cruciales pour le devenir historique des sociétés islamiques. Dans le cadre de ce renouvellement d’intérêt, un ouvrage vient de marquer les grandes lignes du débat sur le sujet : Carool Kersten (éd.), The Caliphate and Islamic Statehood - Formation, Fragmentation and Modern Interpretations, 3 vol., Berlin-Londres, 2015.

Dans un même ordre d’idée, en France en 2014, l’un des thèmes de l’agrégation d’histoire a été Gouverner en Islam (Xe-XVe siècle), ce qui a donné lieu à une série de publications dans lesquelles la question du califat, en général et dans l’Occident islamique en particulier, occupe une place centrale.

Cependant, dans l’ouvrage coordonné par C. Kersten, les études s’intéressant aux particularités des califats de l’Occident islamique sont peu nombreuses, tant celles portant sur les principaux d’entre eux (fatimide d’Ifrîqiya, omeyyade de Cordoue, hammudide et almohade) que celles qui s’intéressent aux prétentions califales d’autres dynasties comme les Idrissides, les Midrarides de Sijilmâssa, les Hafsides de Tunisie, les Nasrides de Grenade ou les Sa‘adiens et les Alaouites du Maghreb occidental.

Pratiquement aucun essai n’a encore été tenté d’étudier ces califats dans leur ensemble, afin d’établir en particulier la nature des liens qui ont existé entre eux – ou avec ceux du reste du monde islamique – en termes de représentation, d’idéologie politique, de systèmes juridiques, d’iconographie ou d’architecture, par exemple.

C’est sur ces différents points que souhaite insister ce projet, en réunissant des chercheurs s’étant déjà intéressés à ce thème, ou à d’autres qui lui sont proches, et qui peuvent à ce titre apporter des éclairages convergents (depuis l’anthropologie historique, l’art et l’archéologie, l’histoire, la philologie ou la théologie).

Des études, menées en particulier par des chercheurs impliqués dans le present projet, commencent à montrer l’interconnexion établie entre les cadres de référence de chacune des expériences califales (par exemple entre les califats fatimide d’Ifrîqiya et omeyyade d’al-Andalus), tandis que d’autres travaux ont analysé les liens non seulement avec d’autres califats mais aussi avec des constructions politiques similaires, comme l’empire byzantin (par exemple en ce qui concerne le cérémonial fatimide). Il reste encore cependant un vaste territoire à explorer pour pouvoir préciser comment et pourquoi ces différents processus s’articulent.

Dès lors, ce projet se propose d’appronfondir l’analyse selon quatre axes majeurs :
Axe 1 : dynamiques d’assimilation et de différenciation entre les trois principaux califats, du point de vue de leurs manifestations iconographiques et artistiques, ainsi que symboliques et religieuses.
Axe 2 : dynamiques locales et globales ; califats locaux et leurs relations avec les autres califats, ainsi que leur impact sur le reste du monde islamique.
Axe 3 : influences mutuelles dans la pensée politique islamique.
Axe 4 : possible impact hors du monde islamique (Hauteville de Sicile, Frédéric II, Alphonse X).

Au-delà de la célebration de deux séminaires annuels et de l’organisation d’un colloque international, qui déboucheront sur des publications, les objectifs du projet comprennent la réalisation d’un dossier monographique sur les califats d’Occident, qui s’adressera à un public non familiarisé avec ce thème toujours d’actualité.