Lignes de recherche

Si dans leurs usages et leurs diverses matérialités les écritures exposées, ont acquis une longue tradition, il n’est pas moins sûr qu’après la décadence du haut Moyen-Âge, leur essor est à relier aux changements politiques, sociaux et culturels qui se sont produits dans l’Europe des XIVe et XVe siècles, fondant les bases de ce qui sera leur éclosion à l’époque moderne, avant leur véritable explosion à l’époque contemporaine.


Pour toutes ces raisons, le présent projet de recherche se donne comme principal objectif, la reconstruction et l’interprétation des différentes modalités de l’écriture, observables dans une période qui va de la fin du Moyen Âge jusqu’ à nos jours, en adoptant pour ce faire, une démarche comparative à partir de l’espace culturel offert par l’Europe romane (Espagne, France, Italie et Portugal).


Trois axes structurent ce projet de recherche: le premier cherchera à poursuivre l’inventaire des écritures exposées en tant que messages délivrés dans un but de communication, d'explicitation voire de création artistique (les affiches, la propagande, le graffiti, expressions de groupes politiques ou sociaux qui s'approprient l'espace commun, etc.), tout en approfondissant la capacité performative de ces messages exposés dans l’espace public.


Un deuxième axe fera de l’exploration des interactions entre les écritures exposées et leur environnement (concurrence, complémentarité, créativité des juxtapositions de messages dans leur forme et leur contenu etc.) son objet d’étude. Ceci débouchera sur une réflexion relative aux usages politiques de certaines d’entre elles, soit par la recherche de consensus par le biais des messages exposés dans l’espace public, soit en raison de leur caractère transgressif et protestataire.


Enfin, un troisième axe s’intéressera aux sociabilités créées par les « écritures exposées ». À la lumière du concept des communautés émotionnelles éphémères (B. H. Rosenweim, 2001) il sera possible de mettre en évidence autour des écritures exposées et de leurs supports, la formation de groupes qui transcendent les catégories sociales sur des bases émotionnelles (feelings).


Suivant la méthodologie propre à l’histoire sociale de la culture écrite, les différents axes réservent une place particulièrement significative à l’étude des écritures exposées considérées comme pratiques sociales, indissociables par conséquent de la valeur que leur ont attribué en leur temps les divers groupes sociaux qui ont pris part à l’acte de communication en intervenant activement dans la production de messages ou en se trouvant impliqués en tant que destinataires de ceux-ci. L’idée, ainsi que l’a montré Marshall McLuhan, que le message est inséparable de son support, fera que l’attention prêtée aux formes matérielles de l’écrit et à leur incidence sur la diffusion et la réception des messages, sera un aspect transversal de la réflexion proposée. Au-delà des études de cas dans l’aire romane du Moyen Âge à nos jours, il s’agira de dégager une poétique des écritures exposées avec l’idée de déterminer dans quelle mesure l’espace public urbain induit des modalités d’écritures spécifiques et des comportements lecteurs particuliers.