Las Sillas (Marcén, Huesca)

Un village d'al-Andalus aux alentours de l'an Mil
 

Les fouilles archéologiques poursuivies sur le site de Las Sillas (Marcén, province de Huesca) s’inscrivent dans le cadre d’une étude concernant le peuplement musulman dans la vallée de l’Ebre au cours des VIIIe-XIe siècles. Les recherches menées dans les sources écrites et de nombreuses campagnes de prospections réalisées au sud de Huesca avaient révélé l’existence d’un grand nombre d’habitats ruraux jusque-là inédits. Après avoir fouillé plusieurs sites d’époque califale comme Piracés, Gabarda ou La Iglesieta (Usón), l’enquête a privilégié le site de Las Sillas (ou Las Cías), passé aux mains du roi Pierre Ier d’Aragon en 1102, afin d’éclairer les activités et la vie quotidienne du monde paysan dans cette partie de la marche supérieure d’al-Andalus avant la reconquête, thème sur lequel les sources arabes se montrent particulièrement indigentes (fig. 1).

Les opérations ont permis de mettre au jour un vaste habitat des IXe-XIe siècles couvrant une plate forme dominant le río Flumén (420 m) et composé de deux secteurs distincts. A l’Est, le secteur I était occupé par une mosquée composé d’un oratoire (musalla) de 60 m² présentant deux nefs séparées par d’épaisses colonnes surmontées de grands chapiteaux, et un probable mirhâb constitué par un arc outrepassé (fig. 2) reposant sur deux chapiteaux lisses couvrant des petites colonnes. Une cour rectangulaire (sahn) était associée à ce bâtiment au centre de laquelle se trouvait un bassin d’ablution. L’ensemble de cet espace était ceinturé par une maçonnerie de tapial reposant sur deux lits de pierres soigneusement taillées. On accédait à cet édifice par une large porte qui s’ouvrait sur passage vouté (zaguán) dont le sol était formé par de grosses dalles de grès.

Vers l’Ouest, le secteur 2 était constitué par plusieurs dizaines de constructions en partie creusées dans la roche et regroupées en maisons de 90 à 120 m², édifiées de part et d’autre d’une grande rue qui divisait le plateau en deux parties sommairement égale. Le versant Nord était occupé par des maisons comprenant de cinq à huit pièces, de 90 à 120 m², sans patio central mais disposant parfois d’entrées coudées (fig. 3), tandis que le versant Sud, utilisé comme carrière d’extraction, lieu de conservation et de stockage des denrées, présentaient de nombreuses citernes (fig. 4).

C’est à l’extrémité de ce secteur que l’on a découvert en 2013 plusieurs constructions destinées à des activités artisanales, plusieurs milliers de tessons du XIe siècle (fig. 5 et 6), ainsi que de nombreux fragments de monnaies de la taifa hudide de Saragosse. C’est la poursuite de la fouille de ces constructions et l’étude d’un nouveau quartier d’habitations situées de l’autre côté de la grand rue qui fera l’objet des campagnes prévues en 2014 (7).

Une attention particulière sera accordée à l’étude carpologique des déchets de cuisine, à l’élaboration d’un plan directeur de l’ensemble du secteur 2, ainsi qu’à la présence de monnaies en milieu rural au cours du XIe siècle, objet d’un prochain article.