Découvrez les 13 artistes en résidence à l'Académie de France à Madrid pour l'année 2023-2024, ainsi que les premières lignes des projets qu'ils développeront à partir du mois de septembre dans les ateliers de la Casa de Velázquez.
Voir la décision de nomination 2023-2024 [PDF]
Assoukrou AKE (Peinture), Daniel ALVARADO BONILLA (composition musicale), Bahïa BENCHEIKH EL-FEGOUN (cinéma), Faouzi BENSAIDI (cinéma), Vincent CARDOSO (sculpture), Nicolás COMBARRO (photographie), Bastien DAVID (composition musicale), Manon DELARUE (dessin), Olivia FUNÉS LASTRA (peinture), Bilal HAMDAD (peinture), Gala HERNÁNDEZ LÓPEZ (cinéma-vidéo), Tereza LOCHMANN (gravure), Camille ZEHENNE (cinéma-vidéo).
Assoukrou Ake
1995 - Côte d’Ivoire – Peinture
Animique cherche à déconstruire la charge magique que nous conférons aux objets numériques, profanes et sacrés dans nos rituels quotidiens.
À la croisée des disciplines, les discours poétiques, philosophiques ou psychanalytiques entrent en dialogue pour cerner la construction de ce qu’Assoukrou Ake définit comme l’appareil animique. Depuis la statuaire africaine – chargée de mystères et d’intangible –, jusqu’aux automates dotés d’une intelligence artificielle, en passant par l’étude de contes populaires et récits mythologiques hispaniques et francophones, il s’agit d’explorer les mécanismes de domination exercés par une pensée habitée d’une croyance qui se voudrait supérieure ou sacrée.
Projet plastique pluridisciplinaire, Animique se matérialisera par une série d’échanges filmés dont dériveront de grands collages mixtes et une sculpture performative, reprenant le principe même de l’objet animé, c’est-à-dire de sa possession par une âme.
Daniel Alvarado Bonilla
1985 – Colombie – Composition musicale
En résidence à la Casa de Velázquez, Daniel Alvarado Bonilla vient travailler à la composition d’une œuvre pour ensemble de voix féminines, ensemble instrumental et dispositif électroacoustique.
Pièce mixte, évoquant les notions de rituel et de lamentation, Vestigios - Canto de las moscas s’ancre dans l’Histoire de la Colombie et s’articule autour d’une question centrale : comment représenter, à travers les sons et la musique, le chagrin de la guerre ?
Empruntant à la poétesse María Mercedes Carranza ainsi qu’au folklore colombien, la pièce interrogera la notion de vestige, qui, dans toute sa force symbolique et connotée, deviendra une composante purement sonore et musicale de l’œuvre.
Bahïa Bencheikh El-Fegoun
1976 – Algérie – Cinéma
Sorgina/Witch est un film-documentaire qui envisage la reconsidération de la mémoire féminine. Perçant un long chemin qui interconnecte des éléments historiques avec d’autres anthropologiques et oniriques, Bahïa Bencheik El-Fegoun vise à exposer l’histoire de toutes les femmes victimes de la domination patriarcale qui furent condamnées et mises à mort par les autorités ecclésiastiques, les accusant de sorcellerie.
L’étude mythologique et occultiste vient ainsi mettre en regard la figure médiévale de la sorcière avec les revendications féministes actuelles.
Avec Sorgina/Witch, elle poursuit en Espagne le travail amorcé aux États-Unis lors de sa résidence à la Villa Albertine, pour y rassembler en dehors des frontières spatio-temporelles des histoires de féminicides, celles du féminin occulte et celles des luttes féministes.
Faouzi Bensaïdi
1967 – France – Cinéma
Le long-métrage que Faouzi Bensaidi vient développer à la Casa de Velázquez raconte l’histoire de son père.
Celle d’un jeune marocain qui, fuyant un mariage forcé et à grands coups de propagande franquiste, s’enrôle à seize ans dans l’armée des « regulares ». Chair à canon à qui l’on a raconté toute sorte d’atrocités sur le camp républicain - « los rojos » - il se rend vite compte que l’ennemi lui ressemble et que cette guerre n’est pas la sienne.
C’est l’histoire d’un réveil de conscience, d’une épiphanie mais aussi d’un amour déchiré prenant pour toile de fond le Madrid des années 30. En immersion totale, Faouzi Bensaidi vient ainsi se consacrer entièrement à ce travail, de son propre aveu : le projet le plus important de sa carrière, le film de sa vie.
Vincent Cardoso
1994 – France – Sculpture
En résidence à la Casa de Velázquez, Vincent Cardoso poursuit son travail autour de la figuration à travers une relecture personnelle, tendre et grotesque, de l’histoire de la sculpture.
Inspiré par la sculpture baroque espagnole, violente, parfois macabre, mais toujours si forte en termes de présence, il puise également dans son réalisme stupéfiant, ses couleurs et son intégration dans des dispositifs scénographiques.
Envisageant le réalisme comme un moyen d’accroche du spectateur, Vincent Cardoso cherche toutefois à nourrir une tension à travers la recherche d’une représentation simplifiée, essentialisée ou naïve.
En les amenant du côté de la parodie, de la tendresse et de la réconciliation, il vient aussi questionner l’actualité des codes du baroque dans une époque actuelle de remise en cause de différentes structures de domination.
Nicolás Combarro
1979 – Espagne – Photographie
Le projet La matière de l’amnésie donne forme à une recherche artistique autour de l’architecture de répression en Espagne.
Nommés comme tels par le régime franquiste, plus de 300 camps de concentration ont formé un vaste réseau de contrôle et de répression en Espagne. Cette réalité, encore méconnue fait l’objet aujourd’hui d’un devoir de mémoire dont Nicolás Combarro se saisit à travers le médium de la photographie.
Depuis l’obscurité, il projette une lumière qui se confronte à l’amnésie, et qui reconstitue une mémoire qui ne nous est parvenue que de manière trop lacunaire.
Bastien David
1990 – France – Composition musicale
Pulsar se construit comme une exploration de l’espace commun entre l’art du sonore et les sciences du céleste.
Par l’usage poétique de pulsations empruntées aux objets astronomiques et grâce à un dispositif microphonique permettant d’explorer la fractalité du son, surgissent des « fréquences de hautes intensités ».
L’utilisation expérimentale des microphones permettra de faire entendre le monde sonore minuscule, de « devenir » l’instrument joué en incarnant son écoute et d’adopter le point de vue sonore de l’instrument.
Cette nouvelle œuvre musicale fera l’objet d’une soirée dans la grande salle de la Cité de la Musique – Philharmonie de Paris. Elle rassemblera les solistes de l’Ensemble Intercontemporain ainsi que la haute technologie de l’IRCAM.
Manon Delarue
1991 – France – Dessin
Le projet de bande dessinée que vient développer Manon Delarue à la Casa de Velázquez porte sur la construction du désir. Un récit intime et politique, qui a pour ambition de soulever des questions de société et qui peut se résumer autour d’une grande problématique : sommes-nous égales et égaux face au plaisir ?
Depuis l’enfance, elle sillonne l’Italie et l’Espagne. La découverte d’édifices religieux, d’arènes et autres théâtres de la violence sublimée l’amène à interroger l’extase et la mort, au prisme du désir et de l’érotisme.
Portant sur trois figures essentielles – le Christ, le Taureau et le Gladiateur – le travail de Manon Delarue pose la question de l’origine de ses désirs et, plus largement questionne la détermination de nos fantasmes par des enjeux culturels, politiques et géographiques.
Olivia Funes Lastra
1995 – Espagne – Peinture
En résidence, Olivia Funes Lastra part sur les traces de la philosophe espagnole María Zambrano.
Prenant comme point de départ une œuvre en particulier, Claros del Bosque, l’artiste produira une nouvelle série de peintures textiles et de textes dans lesquels elle donnera corps à la voix poétique et à la pensée de María Zambrano. Une pensée qui touche à la question de la perception, qui parle « à la peinture », mais qui est aussi un outil de résistance face aux régimes fascistes.
Une pensée et une vie comme un miroir décalé : une femme espagnole qui émigre vers le continent sud-américain à la fin des années 30 face à une artiste de Buenos Aires qui vit aujourd’hui à Paris.
Entre les deux, une même question : à presque cent ans d’écart, comment une vie d’errance et entre les langues contribue-t-elle à constituer une œuvre poétique vivante ?
Bilal Hamdad
1987 – France – Peinture
L’essentiel de l’œuvre de Bilal Hamdad se concentre sur la capture de situations quotidiennes authentiques. Selon la formule classique, il vit et travaille à Paris, tissu urbain et métissé qu’il considère comme un terrain fertile à la réalisation de ses peintures.
La résidence à la Casa de Velázquez vient ainsi déplacer son horizon dans une autre capitale européenne. Un autre regard sur cette quotidienneté qui l’inspire, celle de la ville et de son tumulte, mais aussi sur ses origines, cherchant à interroger l’histoire commune de l’Espagne et du monde arabe. Quel impact ce métissage a-t-il eu ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui ?
Sur un axe parallèle, Bilal Hamdad vient aussi poursuivre un travail de réinterprétation de l’Ophélie de John Everett Millais pour parler de l’immigration, thème récurrent dans son travail, et dont l’immersion en Espagne vise à faire naître une nouvelle série.
Gala Hernández López
1993 – Espagne – Cinéma / Vidéo
À la Casa de Velázquez, Gala Hernández López développe HODL, une fiction documentaire explorant les liens entre les cryptomonnaies, la spiritualité et la masculinité.
Le film se déploiera en trois séquences. La première composée d’images enregistrées ad hoc, montrant des chambres et des effets personnels appartenant à de jeunes hommes et adolescents espagnols, répondant tous à la même question : de quoi rêves-tu ? Tous ont investi de l’argent dans des cryptomonnaies ou des cours de crypto-trading, en réponse à la précarité d’une génération fragilisée par la crise de 2008. La deuxième viendra compiler des extraits de vlogs de crypto-influenceurs américains et espagnols, mettant l’accent sur la partie spirituelle de leurs discours, la loi de l’attraction et le chemin vers le succès. Enfin, une troisième partie de science-fiction spéculative mettra en scène Satoshi Nakamoto, créateur de Bitcoin, représenté par un être androgyne, non binaire, incarné dans une polyphonie de voix à la fois masculines et féminines.
Un projet aux contrastes dialectiques puissants, mettant en relief la fracture entre rêve et réalité, sous le spectre des cryptos-gourous.
Tereza Lochmann
1990 – République Tchèque – Gravure
En partant de l’observation de la corrida et des fêtes populaires espagnoles, Tereza Lochmann vient développer son projet intitulé Tauromachie intérieure ou le combat des corps.
L’Espagne devient le terreau d’une recherche qui puisera dans trois axes complémentaires : la confrontation homme-animal lors du combat ritualisé des jeux taurins ; la transposition du corps humain et du corps animal dans les fêtes populaires ; et la présence de ces deux réalités dans l’imaginaire de Goya et de Buñuel. Il s’agira ainsi, au travers d’une série de gravures, de se mettre dans la peau de l’animal et de proposer ainsi une vue «de l’intérieur» pour interroger le désir archétypal de l’homme de (re)devenir un animal.
Une frontière mouvante explorée pour repenser la relation homme animal non pas comme une rupture, mais plutôt comme une transgression.
Camille Zehenne
1985 – France – Cinéma / Vidéo
Quels sont les nouveaux eldorados, qui sont les néoconquistadors ? Camille Zehenne développe un projet de film qui trouve sa matérialisation dans un montage hétéroclite qui questionne le mythe de l’or et de sa quête depuis la colonisation espagnole.
Traversant les époques et les imaginaires, le projet prend comme point d’appui une assertion de l’économiste américain Milton Friedman : la valeur de la monnaie repose sur une fiction.
En confrontant textes, images, imaginaires de l’or, des conquistadors et de la colonisation avec des sources actuelles, Camille Zehenne interrogera cette fiction vorace et dressera – non sans ironie - un portrait de la société occidentale.